Tony Coiffet : la vie de technicien piano à l’australienne !

A l’automne dernier, Tony Coiffet ancien élève de l’ITEMM (2007-2010) est venu rencontrer les BMA pianos et leur faire part de son parcours, déjà, très impressionnant, qui se déroule par-delà les océans. Nous en avons tiré une belle interview.

 

Peux-tu te présenter rapidement ?

Je suis Tony Coiffet. J’ai fait ma formation de CAP piano en un an à l’ITEMM en 2007. Puis, j’ai enchaîné sur un BMA en apprentissage.
J’étais chez Kawaï France, chez Hohner exactement qui représentait Kawaï avec Stéphane Boussuge.

 

Qu’as-tu appris là-bas ?

J’ai appris, dix ans plus tard, qu’on m’avait donné des armes exceptionnelles pour naviguer dans le milieu technique du piano. De plus, quand j’y étais, c’était une période de récession économique, on avait beaucoup moins de ventes a priori que les années d’avant. Ce qui veut dire qu’en fait, j’avais beaucoup de temps que je pouvais passer dans le showroom, sur les pianos d’exception les “Shigeru” qui sont de très bon pianos qui réagissent très bien à ce qu’on fait. J’ai donc eu une formation de technicien concert solo de piano d’exception. C’était très très bien !

 

Et après ce BMA, que s’est-il passé pour toi ?

Après le BMA, je suis parti en Australie dans le but de voir quelque chose d’autre sans vraiment avoir intellectualisé le projet. Je me suis remis au piano en Australie ; et puis j’ai compris que c’était un peu le pays des opportunités par rapport à la France ou à l’Europe parce que, là-bas, il y a une pénurie énorme de techniciens.

Cela fait très longtemps qu’on en parle, mais là, c’est en route : on arrive à la fin de la carrière de beaucoup d’accordeurs qui ont entre 50 et 70 ans. Je dis accordeur parce qu’il y a plus d’accordeurs que de techniciens. Il n’y a pas de formation en Australie depuis belle lurette et il y a un niveau technique qui est relativement bas.
Il y a des experts, de très très bons techniciens mais c’est relativement bas en regard de ce qu’on sait faire en arrivant de l’ITEMM.
Donc, il y a moyen de faire une carrière en Australie. 

Alors l’Australie, c’est très bien parce qu’il n’y a pas une grosse densité de techniciens ;  donc on peut faire un petit peu ce qu’on veut. C’est confortable au niveau financier, économique etc…
On peut aussi très rapidement se spécialiser dans quelque chose et choisir ce qu’on veut faire ou ne pas faire.

En revanche, les 2 gros inconvénients sont le climat et la taille du pays.
Au début, j’ai arrêté de bosser pendant deux ans parce que je pensais que j’étais vraiment très très nul. Je n’arrivais pas à faire un accord, mais en fait, c’était dû au taux d’humidité.

Je faisais une partition, quand je passais sur la première octave, c’était déjà parti. Il a fallu que je m’adapte. Ça m’a pris quelque temps. Ça m’a mis aussi un coup dans l’égo.
En définitive, cela a été très formateur parce-que j’ai appris une technique d’accord qui est relativement stable.
Et puis parfois,  je fais une semaine de route pour faire des tournées d’accord, c’est fatigant. 

Avec ce climat très rude, les pianos se détériorent vite et on ne peut pas y faire grand chose.
Mais on peut  aussi transformer ça en avantage si on veut, parce qu’on peut toujours aller chercher un moyen d’améliorer la situation, ce qui est intéressant aussi.

Et puis, pour contrebalancer tout ça, si on veut éviter d’avoir à gérer ces deux problèmes, on peut travailler en ville parce qu’en ville, les maisons sont mieux construites. Les pianos sont donc en meilleur état  et il y a moins de trajets.
Bref, pour n’importe quel technicien qui vient de sortir de BMA, il y a moyen de trouver un boulot parce-qu’ils n’ont pas d’équipes techniques et galèrent à trouver des accordeurs.
Attention, il y a néanmoins une grosse adaptation à réaliser sur le vocabulaire technique parce qu’il faut tout se réapproprier en anglais ! 

 

Tu as monté ton entreprise ?

Je suis technicien à mon compte. C’est un statut équivalent à l’auto-entreprise pour tout ce qui est accord, réglages, harmonisation, réparation. Et puis j’ai aussi une entreprise qui est comme une SARL, qui pour les devis plus gros.  Je fais aussi un petit peu de vente de pianos neuf, pianos d’occasion…

C’est une entreprise récente, elle a deux ans.
Je suis à mi-chemin entre Sydney et Brisbane qui est une zone en plein développement. C’est un investissement sur le futur, pour les 10 à 15 prochaines années.
Dans cette zone, beaucoup de pianos sont en mauvais état. Souvent, réparer revient plus cher que de remplacer. Je vois donc une fenêtre pour pour faire un peu de vente en plus.

 

Quels sont tes derniers projets ?

Le dernier projet qui arrive à terme c’est Australia Piano Supply (APS).
C’est une entreprise de fourniture de pièces et de matériaux pour les  techniciens piano pour t l’Océanie.

On vient de produire  une quinzaine de guillotines en bakélite pour couper du feutre.
Je vais d’ailleurs le présenter à Varsovie du 2 au 4 septembre 2022 pour la Convention européenne d’Europiano.
J’essaie aussi d’entretenir un réseau au niveau mondial: Canada, États-Unis, Europe, principalement France.

 

Pourquoi es-tu à l’ITEMM aujourd’hui ?

C’est la reconnaissance des gens.
Premièrement, parce que c’était une opportunité pour la formation que j’ai reçue à l’ITEMM en temps plein. Et puis après en BMA avec Stéphane Boussuge c’était quand même quelque chose, on m’a mis de l’or dans les mains.
Je suis reconnaissant parce qu’aujourd’hui je peux faire quelque chose qui me passionne et je suis très reconnaissant par rapport à tout ce qui s’est passé autour de l’ITEMM. C’est aussi pour entretenir un peu les réseaux, pour voir qui fait quoi. Là, j’ai eu un petit crash course depuis que je suis arrivé, de voir ce qui se passe à l’ITEMM, c’est impressionnant. Il faut que ça continue dans cette lignée, c’est en plein essor, c’est fantastique. Et puis, en étant  à mi-chemin entre Brisbane et Sydney  je suis très isolé. J’ai quasiment personne avec qui parler de tout ça, de nos techniques, ça fait du bien de se retrouver un petit peu dans un univers familier et de voir ce qui se passe.

 

Es-tu en capacité d’accueillir un jeune qui voudrait découvrir un peu autre chose, comme tu l’as fait toi il y a quelques années ?

J’y suis presque ! Et surtout, j’en ai besoin parce que j’ai beaucoup de projets à la fois et je fatigue !
J’attends d’avoir un peu de sécurité financière pour envoyer un mail et proposer  quelque chose. Il faut que je mette un bon coup de cravache pour débloquer la trésorerie en faisant de la vente de stock.
Cela permettra en plus de libérer ma chambre d’amis et de proposer un hébergement parce que le logement est très cher en Australie.
Donc restez à l’affût… mais ne venez pas tous !! (rires)

 

En savoir plus sur Tony

https://www.pianoharbour.com.au/

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