ARTICLE EXTRAIT DE LIAISONS SOCIALES du lundi 8 juin 2020 (numéro 18075) Ed. Wolters Kluwer
À la suite d’une réunion à l’Élysée avec les partenaires sociaux, la ministre du Travail a présenté, le 4 juin, un plan de relance de l’apprentissage qui intègre notamment la mise en place d’une aide à l’embauche d’apprentis de 5000 € pour les mineurs et 8000 € pour les majeurs. Une concertation doit aussi être menée pour réformer l’activité partielle de façon pérenne et pour créer un dispositif de chômage partiel de longue durée reposant sur un accord collectif. Des discussions seront également conduites sur l’évolution du régime d’assurance chômage, la formation et les compétences, ainsi que l’emploi des jeunes.
Partant du constat que « la crise sanitaire se transforme en crise économique et sociale », la ministre du Travail, qui recevait les partenaires sociaux le 4 juin avec le chef de l’État et le ministre de !’Économie, a présenté un plan de relance de l’apprentissage et une série de mesures sociales destinées à accompagner la reprise et préserver l’emploi. Certaines, concernant l’apprentissage, doivent être applicables dans les prochains jours. D’autres seront le fruit de concertations. Menées rapidement, ces dernières doivent aboutir pour certaines sur des “décisions opérationnelles”, qui seront dévoilées dans une quinzaine de jours.
Une aide exceptionnelle apprentissage
La mesure phare du plan est la création d’une aide exceptionnelle à l’embauche d’apprenti.e.s. Celle-ci remplacerait temporairement l’aide unique à l’apprentissage accordée en temps normal (v. l’actualité n ° 17725 du 3 janvier 2019). Pour en bénéficier, le recrutement devrait être effectué entre le 1er juillet 2020 et le 28 février 2021.
Le montant de cette aide exceptionnelle serait de 5000 € pour les apprenti.e.s mineurs et de 8000 € pour ceux qui sont majeurs. Elle serait versée de manière automatique pour tout contrat d’apprentissage déposé auprès d’un OPCO et visant l’acquisition d’un diplôme allant du CAP à la licence professionnelle. L’aide serait accordée sans condition pour les entreprises de moins de 250 salariés. Quant aux 7000 entreprises de taille supérieure, elles devraient atteindre le quota de 5 % d’alternants dans leurs effectifs en 2021, faute de quoi l’aide devrait être remboursée. D’après l’entourage de la ministre du Travail, avec cette aide, l’embauche d’un apprenti ne représentera aucun coût (qu’il s’agisse du salaire et des charges sociales) tant que son âge ne dépasse pas les 20 ans. Au-delà, le reste à charge devrait représenter 175 € par mois pour 151 heures de travail à compter de 21 ans.
L’objectif de cette mesure, qui doit être intégrée dans le projet de loi de finances rectificatif présenté le 10juin en conseil des ministres : maintenir le niveau record du nombre d’apprentis atteint en 2019 (v. l’actualité n° 17994 du 6 février 2020). S’il n’est pas atteint, le ministère du Travail envisage de prendre des mesures pour aider les centres de formation d’apprentis (CFA) qui se trouveraient en difficulté.
Les autres mesures du plan de relance de l’apprentissage
Le plan de relance de l’apprentissage, dont le coût global est estimé à plus d’un milliard d’euros, contient trois autres mesures.
- La durée laissée aux jeunes après leur entrée en CFA pour trouver un employeur sera allongée temporairement de trois à six mois. Un jeune entré en septembre aura donc jusqu’au 28 février, soit la fin de l’aide exceptionnelle, pour trouver une entreprise. Pendant ces six mois il pourra entamer sa formation en CFA. Cette mesure doit également être intégrée au troisième collectif budgétaire présenté le 10 juin.
- Chaque jeune ayant fait un vœu en ligne sur Affelnet (Affectation des élèves par le net) ou Parcoursup pour devenir apprenti devra se voir proposer au minimum une offre d’emploi en apprentissage. Cette mesure, qui représente un défi de mobilisation territoriale, associera les partenaires sociaux, l’État (Direccte et rectorat), les régions, Pôle emploi et les branches professionnelles.
- L’aide au premier équipement qui peut être accordée aux apprenti.e.s par l’Opco (v. l’actualité n ° 17727 du 7 janvier 2019) permettra de financer l’acquisition d’un ordinateur portable. Cette mesure entend tirer les leçons de la période de confinement, pendant laquelle neuf jeunes sur dix ont pu poursuivre leur formation à distance mais certains jeunes ont rencontré des difficultés faute de disposer du matériel informatique adéquat. Elle permettra aussi de capitaliser sur les progrès réalisés par les CFA en matière de digitalisation et de formation à distance.
Une nouvelle réforme de l’activité partielle
Pour Muriel Pénicaud, « l’État ne peut pas durablement prendre en charge les salaires de milliers de salariés du secteur privé ». Une concertation avec les partenaires sociaux sera donc lancée dès le 8 juin et pour une semaine, afin de définir les critères et niveaux de prise en charge du dispositif d’activité partielle de droit commun, qui s’appliquera après les mesures d’urgence liées à la crise sanitaire et au moins jusqu’à la fin du quinquennat.
Cette consultation, dont les résultats devraient être présentés autour du 15 juin, devra également permettre de définir les contours du nouveau dispositif prévu par la future loi portant diverses dispositions urgentes qui doit être votée par le Sénat le 10 juin (v. l’actualité n ° 18073 du 4 juin 2020) : l’activité réduite pour le maintien de l’emploi, appelée également « activité partielle de longue durée ». Ce dispositif permet trait aux entreprises couvertes par un accord collectif (entreprise/branche) de bénéficier de niveaux de prise en charge différents en contrepartie d’engagements restant à déterminer.
Des concertations autour du chômage et de l’emploi des jeunes
Une concertation sur l’assurance chômage sera entamée avec les partenaires sociaux à partir de la mi-juin par la ministre du Travail. Selon Muriel Pénicaud « des sujets sont inapplicables aujourd’hui, donc on va revenir sur ce sujet pour prendre des décisions d’ici l’été ». Rien n’indique que le retour à la précédente convention d’assurance chômage réclamé par l’ensemble des organisations syndicales soit envisagé, l’entourage de la ministre indiquant simplement qu’il s’agit d’identifier « les mesures qui doivent être adaptées pour tenir compte du contexte ».
Une autre concertation avec les partenaires sociaux et divers réseaux sera engagée vers le 15 juin sur l’emploi des jeunes. Muriel Pénicaud craint qu’en raison de la conjoncture les jeunes « risquent d’être les derniers embauchés ». L’objectif est donc de faire en sorte, que les 800000 jeunes qui sortent du système scolaire cette année puissent être aidés pour intégrer un marché du travail particulièrement dégradé.
Diverses mesures, éventuellement adaptées en fonction du niveau de qualification ou du territoire, seront donc intégrées à un plan pour l’accès à l’emploi des jeunes qui doit être présenté début juillet.
Des travaux en faveur des compétences et de l’emploi
Les ministères du Travail et de L’Économie travailleront de concert pour définir un plan de relance de la formation professionnelle. Dans ce cadre, les priorités du plan d’investissement dans les compétences (PIC) ou les logiques d’abondement du compte personnel de formation (CPF), devraient notamment être réévaluées en cohérence avec le plan de relance économique. Les fonds pourraient en particulier être redirigés massivement vers la formation dans les secteurs porteurs comme les services ou la transition écologique. Ce plan sera présenté en même temps que le plan de relance économique à une date encore incertaine. Muriel Pénicaud ajoute que des travaux doivent être menés en parallèle sur les relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants, ainsi que sur l’adaptation des règles sur le travail détaché à la montée du chômage en France. ■